A la place du « Vous allez où ? », j’ai eu droit à : « t’es sûr d’avoir encore l’âge de faire la route ? » La conductrice, d’une cinquantaine d’année, m’a lancé ces mots en riant, et pas qu’à moitié…Une femme aux cheveux roux noués dans tous les sens, toutes sortes de badges colorés sur une vieille veste en laine mauve…la curiosité a toujours été un de mes vilains défauts et ça ne passe pas. Je suis monté à ses côtés.
On est parti. Elle riait toujours en me regardant du coin de l’oeil. Elle a allumé une cigarette d’une seule main en conduisant. « J’espère que ça dérange pas mon invité ?… » et elle a continué à se marrer en tirant ardemment sur sa clope.
Je ne savais pas où elle allait et elle ne m’a rien demandé. Nationale 20, tout droit. Pourvu qu’on descende plein Sud, c’est bon. Passé son rire et le silence qui a suivi. Je lui ai demandé ce qu’était son affaire, là derrière, avec l’enseigne « Babouillec ». J’ai pensé qu’elle était voyante, chiromancienne, où quelque chose comme ça, un commerce fumeux pour extorquer les pauvres angoissés chroniques de notre monde ( et en plus, j’en suis un, là dessus, pas de doute…).
Elle a tendu le bras vers l’arrière et m’a posé un livre sur les genoux :